Serpent & Dove
de Shelby Mahurin

Éditions De Saxus

Sortie le 26 août 2021
Format broché / 565 pages / 18,90 €

De Saxus a encore su nous en envoyer plein les mirettes avec la version collector de ce roman. Cette édition est juste magnifique. Ajoutons à cela un engouement massif des lectrices, il n’en fallait pas plus pour que je me rue dessus et le précommande plus vite qu’il n’en faut pour dire « Erreur fatale ». 

On connaît le jeu : plus un roman est hypé, plus les risques d’être déçu sont élevés. Et j’ai été déçue de bien des façons durant cette lecture, dont certaines auxquelles je ne m’attendais pas… Par où commencer...

Me voilà bien installée, mon ouvrage magnifique en mains, prête à plonger dans cette histoire intrigante. Le synopsis coche toutes mes cases : un univers sombre et envoûtant, deux personnages ennemis forcés de s’allier, des secrets, de la sorcellerie, une romance interdite… Je partais pleine d’espoir, déjà convaincue que j’allais adorer, et d’autant plus que mes lectures De Saxus s’étaient révélées plaisantes jusque-là. 

Ça commence d’ailleurs plutôt bien. Je sens dès les premières pages que je vais probablement avoir du mal à accrocher avec Louise (surnommée Lou). Je me retrouve aussi face à tout un tas de personnages sans saveur et une suite de péripéties plus ou moins bien amenées. Pourtant, j’aime bien. L’histoire reste prenante, le Chasseur, Reid, semble prometteur, les pages se tournent toutes seules et j’ai bon espoir que les défauts relevés seront corrigés au fil de la lecture. Au bout de cent pages, je commence à me rendre à l’évidence : ça va être compliqué… Non seulement les défauts sont toujours là, mais ils s’accumulent et s’aggravent.

J’ai clairement du mal avec Lou et ça empire à chaque page. Un brin stupide la fille. Par exemple, elle doit à tout prix cacher sa magie pour survivre. Elle ne s’en servira plus jamais, elle le jure, les risques sont trop grands ! Elle s’en servira finalement dès le début et n’arrêtera jamais ensuite, et surtout pas quand elle risque totalement de se faire prendre… Ajoutons à cela qu'elle passe son temps à insulter les Chasseurs et à défendre les sorcières publiquement (ce qui est passible de peine de mort d'ailleurs). Elle se serait promenée avec une pancarte disant : « Je suis une sorcière, brûlez-moi ! », ça aurait été pareil. Heureusement, les autres personnages sont à son niveau, donc ils ne voient rien. Elle enchaîne les bourdes presque aussi vite que les insultes. Pourquoi pas après tout, on n’est pas forcé d’avoir un personnage principal futé. Mais que ce soit dit, parce que là on veut nous la présenter comme une femme forte, courageuse et rusée… J'attends encore un éclair de génie de sa part. 

Elle est aussi largement immature et égocentrique. Son humour et sa façon de parler feraient rougir Bigard. Si l’histoire se déroulait à notre époque, nul doute d’ailleurs qu’elle serait sa plus grande fan. Je sais qu’il y a des adeptes d’humour « pipi, caca, cul », ce n’est pas mon cas, j’ai donc souffert tout du long. Oui, elle a beaucoup de caractère, mais plus dans le sens ado en crise qui veut choquer ou blesser tout le monde, que dans le sens Captain Marvel. Autre point d’ailleurs, puisqu’on parle de l’époque : le roman a beau se dérouler vers ce qui semble être le 14, 15 ou 16ème siècle, Lou parle comme une ado (mal élevée) de 2021. Et entre deux gros mots, elle nous cause féminisme et patriarcat. Pourquoi pas. On essaie quand même de nous la montrer parfois plus douce et émotive, mais même là elle n'arrête jamais de se regarder le nombril ou de le faire de manière déplacée. Passons, ce n’est pas le plus gros problème. Je tiens vaille que vaille, tout de même curieuse de découvrir le dénouement. J’arrive page 223. C’est à ce moment-là que je réalise, comme quelques autres, que mon édition collector en édition limitée à tirage unique est amputée de plusieurs chapitres.

Les délais de retour sont largement dépassés et, comme c’est un « collector en édition limitée à tirage unique », aucun échange possible. Mais je ne lâche pas le morceau, je contacte le SAV d'Amazon. Cinq minutes plus tard, j’étais remboursée. Amazon est peut-être le Diable, mais il a de solides atouts.

Je me tourne tout de même vers De Saxus, parce que remboursée ou pas, j’ai un trou de plusieurs chapitres dans mon roman. Et je n’ai pas souffert 223 pages pour abandonner là ! Ils me présentent quelques excuses et me conseillent de demander un échange au vendeur… Pour, encore une fois, un « collector en édition limitée à tirage unique », désormais indisponible et acheté en juillet ? Restons zen. J’insiste un peu, qui sait ? Ils pourraient me refiler un epub ou une autre solution. Ils m'ont collé un « Vu ». J’adore cet éditeur, j’achète beaucoup trop de romans chez eux, mais là, je ne suis pas très contente, je ne vous le cache pas. Si Amazon n’avait pas fait un geste exceptionnel, je l’avais totalement dans l’os !

Bien. Après 223 pages d’intrigues bancales, je me dis que je devrais bien réussir à raccrocher les wagons, même avec des chapitres manquants. Je n’étais plus réellement d’humeur, mais tentons quand même. Il ne se passe pas grand-chose, ça va (enfin, façon de parler, car du coup c'est l'ennui total). Je sens bien que quelques détails m’échappent, Lou a tout à coup besoin de couteaux pour se défendre contre un personnage qui en a après elle. Mon Dieu, un nouveau grand danger guette l’héroïne ! Le 372ème du roman, ça promet d’être palpitant ! Finalement, elle recroise ce personnage plus tard et les deux papotent tranquillement, comme si de rien n'était… Je me dis que Lou aussi a sauté quelques chapitres, je me sens moins seule. Ou bien, elle est incohérente, comme beaucoup de choses dans ce roman. Au choix...

Revenons-en à Reid. Malheureusement, il a le charisme d’une huitre et la prestance d’un paquet de chips. J’attendais beaucoup de l'opposition dangereuse et sexy entre la sorcière et le chasseur de sorcières, mais rien de passionnant ou de piquant malgré les enjeux. Lou manque de respect H24 à Reid. Lui tape du poing sur la table en disant que ce n'est pas bien, tout en étant très gentil et patient avec elle le reste du temps. Grosso modo. L’alliance entre Reid et Lou se crée de manière totalement rocambolesque, à grands renforts de facilités scénaristiques qui ne tiennent pas bien la route. L’auteure en abuse d’ailleurs tout du long. Ici, tout avance ou se règle par des heureux hasards, des personnages arrivant pile au bon moment ou des changements d’état d’esprit aussi soudains que pratiques. Il en va de même pour nos deux ennemis. Ils passent de la haine pure à l’amour fou en moins de temps qu’il n’en faut pour retirer sa culotte. La subtilité est restée aux abonnés absents dans ce roman. Bref, je continue ma lecture, fichu pour fichu, allons au bout. Bizarre, j’étais à la page 288, la suivante est numérotée 257… Non ? Quand même pas ? Si… Après les chapitres manquants, je découvre que les 30 dernières pages lues ont été imprimées en double. Je…

Ouf, la suite se trouve finalement 30 pages plus loin. Je peux poursuivre, dans la joie et la sérénité (absolument pas). Où en étais-je ? Des personnages insipides (les secondaires encore plus, avec option « caricaturaux »), zéro psychologie, une intrigue bancale, des facilités scénaristiques… Et l’univers ? Il était prometteur, l’univers ! Il est à peine exploité. Je n’ai même pas envie de détailler. Des bonnes idées jamais abouties. Je poursuis quand même, mais à ce stade, j’étais tellement soûlée de tout, et plus encore de l’héroïne et de mon collector imprimé avec les pieds, que l’envie n’y était plus. Lou pouvait bien se faire attraper et balancer sur un bûcher, j’aurais juste applaudi. 

J’ai terminé en lisant en diagonale, je voulais juste en finir. J’ai noté quelques rebondissements, certains vaguement intéressants, mais ça ne suffisait plus à ce stade pour regagner mon intérêt. 

Quelques points positifs quand même : l’idée de départ est géniale et le roman est rythmé (parfois trop, parfois pas assez, mais il y a une envie de bien faire). Je pense que l’auteure a le potentiel pour écrire de bonnes histoires avec le temps. Là c’était trop immature, dans les idées, le style, la psychologie, tout. Mais ça se travaille. Ce roman a quelques atouts, mais ils sont soit trop peu exploités, soit noyés sous les défauts. Je sais pourtant que beaucoup de personnes l’ont aimé. Il en faut pour tous les goûts. Pour moi, c’est un non total, ferme, définitif, pour rien au monde je ne lirai la suite. Avec un personnage principal moins détestable (et un livre correctement imprimé), j’aurais pu passer sur pas mal de choses. Mais là c’était juste trop. Je ressors de cette lecture ravie d’avoir été remboursée pour mon achat. Quant au livre, aussi beau soit-il, vu son état je ne peux rien en faire. Il finira à la poubelle, ce qui résume bien ma lecture.